mardi 5 mai 2015

Mexique : trois proches et parents des étudiants disparus sillonnent l’Europe pour obtenir la réouverture de l’enquête

Mexique : trois proches et parents des étudiants disparus sillonnent l’Europe pour obtenir la réouverture de l’enquête

Une délégation de parents et camarades des quarante-trois étudiants mexicains disparus à Iguala en septembre dernier a défilé dans les rues de Paris dimanche 3 mai. Les membres de la Caravane 43 contestent les conclusions rendues par la justice mexicaine, selon lesquelles les étudiants ont été assassinés.
Omar García, étudiant de l’École Normale d’Ayotzinapa et survivant des événements d'Iguala, lors de son passage à Paris 
Omar García, étudiant de l’École Normale d’Ayotzinapa et survivant des événements d'Iguala, lors de son passage à Paris © JTB
« On l’appelle « El Chiquito ». Il a 19 ans. Sa mère dit de lui qu’il est un bon garçon. Il est venu avec beaucoup d’illusions pour étudier. Mais elle ne s’attendait pas du tout à cela. Elle exige du gouvernement qu’il fasse quelque chose. Que son fils réapparaisse », lit à voix haute une femme, sous le regard attentif des autres participants et des Parisiens surpris par cette mobilisation.
Un peu plus loin, un jeune homme s’empare du micro. Il récite un autre texte de son accent chantant : « On l’appelle « Magallón ». Il a 20 ans et est venu étudier à la Normale depuis la région de Costa Chica. Son surnom vient d’un groupe de musique appelé Los Magallones ».
A chaque arrêt, la grosse centaine de participants à la marche de solidarité avec la délégation de parents et camarades d’Ayotzinapa raconte l’histoire de chacun des quarante-trois étudiants disparus le 26 septembre dernier à Iguala, une ville de l’État du Guerrero, au sud du Mexique. Issus de l’École Normale d’Ayotzinapa, ces futurs enseignants devaient se rendre à Mexico pour participer à une marche commémorative du massacre de Tlatelolco, le 2 octobre 1968.
Mais le maire d’Iguala, qui fait alors régner la terreur dans la ville, ordonne à la police municipale de les arrêter. José Luis Abarca craint que les étudiants ne viennent perturber le déroulement d’un événement public organisé par sa femme, Maria de Los Angeles Pineda – qui, elle-même, « dirigeait les activités à Iguala du cartel des Guerreros Unidos ». S’ensuit une attaque sanglante, au cours de laquelle six étudiants sont tués. Cinquante-sept autres jeunes disparaissent.
Huit mois plus tard, quarante-trois étudiants de l’École Normale manquent toujours à l’appel. Selon les conclusions rendues par la justice mexicaine au début de l’année, des policiers corrompus d’Iguala auraient remis les futurs instituteurs au cartel des Guerreros Unidos. D’après l’enquête, les étudiants ont donc été« certainement » assassinés par des tueurs du crime organisé, puis leurs corps brûlés.
Mais, au milieu du cortège qui remonte la rue de Belleville en direction de la station de métro Gambetta, Eleucadio Ortega Carlos n’en croit pas un mot. Avec Omar García, un survivant du massacre d’Iguala, et un représentant du Centre de droits humains « Tlachinollan », ce père de l’un des jeunes disparus parcourt l’Europe depuis la mi-avril pour exiger la réouverture de l’enquête.
« Les corps retrouvés à la sortie d’Iguala ne sont pas ceux de nos enfants », rappelle le père de Mauricio Ortega Valerio, 18 ans, porté disparu avec ses quarante-deux camarades. Quelques semaines après les événements, vingt-huit dépouilles avaient en effet été retrouvées dans des fosses clandestines, mais aucune ne correspondait à ceux des étudiants de l’École Normale d’Ayotzinapa. Seul un corps a, pour l’heure, été identifié par des experts du laboratoire autrichien d’Innsbruck.
« Nous sommes convaincus que nos enfants sont séquestrés et toujours vivants, reprend Eleucadio Ortega Carlos. C’est la raison pour laquelle nous exigeons du gouvernement mexicain qu’il nous rende nos enfants. Jusqu’à cette date, nous continuerons à nous battre et demander l’aide internationale ».
En tête du cortège, un brin de muguet à la main, Omar García compte en outre sur le soutien de la communauté internationale face à la répression que connaît le Mexique. Depuis les événements d’Iguala – qui ont mis à jour les liens entre pouvoir politique et crime organisé –, le régime d’Enrique Peña Nieto prend en effet un dangereux tournant autoritaire.
« L’insécurité est grandissante au Mexique. Les affrontements, les morts se multiplient, s’inquiète l’étudiant de l’École Normale d’Ayotzinapa, malgré son ton ferme. Le gouvernement a par ailleurs un langage très dur contre notre mouvement. A tel point que les médias mexicains commencent à se détourner de nous, comme si l’affaire était close et nos camarades de retour ».
Même s’ils craignent pour leur sécurité, les membres de la délégation de parents et camarades d’Ayotzinapa parcourront plus d’une dizaine de pays européens, à la rencontre de la population civile, avant la fin du mois de mai. « En l’absence d’aide nationale, il est impératif pour nous de continuer à rencontrer les populations européennes, si nous voulons connaître la vérité », estime Omar García. 

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